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PROBLÈMES ET ESPOIRS DE LA FILLE ET LA FEMME TOGOLAISE

Juil 31, 2017 (0) comment

Les problématiques qui accablent la fille et la femme togolaise mettent parfois le voile sur le courage et l’abnégation des femmes au Togo. Elles sont les piliers qui tiennent les familles debout, que l’homme ait ou non un travail ; elles sont les cheffes de familles sans en avoir le statut ; elles s’occupent de l’éducation des enfants, des tâches ménagères, du bien-être de la famille ; elles combinent non sans défis la vie familiale et professionnelle. Toutefois, elle fait face à des écueils majeurs qui obèrent le respect de sa dignité et de ses droits.

A l’occasion de la journée de la femme africaine ce 31 juillet, CICREDHO s’est entretenu avec quatre femmes togolaises engagées :

L’accès des filles à l’éducation et a la formation

Il ressort des entretiens que l’éducation de la fille et l’alphabétisation de la femme sont indispensables pour parvenir à l’autonomisation. Selon Confort KABISSA, active dans les organisations de la société civile, « les filles et les garçons doivent avoir une chance égale pour l’accès à l’éducation ». Elle a ajouté qu’ « il faut éradiquer les mariages forcés et précoces, le harcèlement sexuel des filles à l’école ». Ces propos sont renchéris par Kayi DJIBOM, démographe, pour qui les grossesses précoces en milieu scolaire représentent un véritable obstacle à l’éducation des filles. Le taux élevé de décrochage et d’abandon scolaire pour les filles en est surtout lié. Mme KABISSA a souligné l’impérieuse nécessité de maintenir la fille dans le système éducatif et professionnel. Pour Georgette AGBEKA, directrice du programme Genre et Droits de l’Homme à Recherche-Action pour le Développement Intégré (RADI), l’accès à la formation professionnelle et l’exercice du métier appris requirent des programmes d’appui et de suivi de l’Etat. Pour Mélanie SONHAYE-KOMBATE, Directrice des Programmes et Plaidoyer du Réseau Ouest Africain des Défenseurs des droits humains  (ROADDH), « plus on évolue dans le cursus scolaire, plus le nombre de fille diminue, sans opportunités pour elle de suivre une formation professionnelle qui la rendrait autonome ». « Le Togo laisse derrière les filles qui n’ont pas réussi dans les études formelles », regrette Mélanie SONHAYE-KOMBATE qui plaide pour la mise en place d’un fonds national spécial pour la fille togolaise en zones rurales et urbaines.

L’obstacle des pesanteurs socioculturelles

Les femmes interrogées sont unanimes sur l’impact pernicieux des pesanteurs socioculturelles sur le respect de la dignité et des droits de la fille et de la femme togolaise. Pour Kayi DJIBOM, « ces stéréotypes enracinent la discrimination à l’égard de la fille et de la femme ; ils les empêchent de s’affirmer ». Georgette AGBEKA a estime que « certaines mentalités continuent de fermer la femme dans le rôle de femme le foyer et refusent de la libérer de l’étau des habitudes rétrogrades ». Elle met de l’emphase sur l’importance de la participation des femmes dans les processus de décision au niveau local et national.

Mélanie SONHAYE-KOMBATE, Confort KABISSA et Georgette AGBEKA ont insisté sur les violences faites aux femmes. Les femmes souffrent des violences domestiques en silence car la société est encore plus critique envers la femme battue qu’envers l’homme, auteur des coups et blessures. Parfois les enfants sont les exutoires de la violence intériorisée par la femme. Les mécanismes d’écoute, d’accompagnement, de réhabilitation et d’accès à la justice manquent. Elles ont souligné que l’accès à l’héritage, au crédit, à des postes dans la vie publique peuvent accroitre l’apport de la femme au développement du Togo.

Pour Georgette AGBEKA, l’autonomisation passe également par les facilités qui permettraient à la femme de concilier vie familiale et vie professionnelle comme par exemple la mise en place des crèches et des garderies. L’Etat devrait faire des efforts dans ce sens, y compris dans l’appui et le suivi des projets des femmes, répète-t-elle.

L’accès hypothéqué à l’emploi

Même si l’accès à l’emploi est difficile pour tout le monde, il l’est davantage pour les femmes parce qu’elles sont femmes. Pour Mélanie SONHAYE-KOMBATE, les femmes se heurtent dans la recherche, l’exercice et dans leur carrière professionnelle à l’omniprésence du harcèlement sexuel. Le machisme obère l’accès à l’emploi et entretient l’omerta. Les jeunes filles à la recherche d’un premier emploi se voient poser des questions comme : «si je te recrute qu’est ce que tu me donnes en contrepartie », s’insurge Mme SONHAYE-KOMBATE.

 Les ESPOIRS

Toutes les femmes interviewées s’accordent pour dire que la femme détient en partie les clés des problèmes notamment en matière d’éducation. Les stéréotypes étant nés dans la tête des hommes, c’est par l’éducation du petit enfant, fille et garçon, qu’il faut semer les germes de leur éradication. La femme doit donc innover dans l’éducation des enfants pour Confort KABISSA et Kayi DJIBOM ; elle doit oser, oser encore surtout en milieu professionnel, pour conquérir d’autres libertés et droits. Selon Mélanie SONHAYE-KOMBATE, la femme doit davantage être professionnelle, soigner son travail et démontrer qu’elle peut encore mieux faire lorsque les moyens lui sont donnés. Pour Georgette AGBEKA, c’est dans le respect de la dignité et des droits des filles et des femmes que se trouve le grand espoir.

 La prise de conscience par l’Etat et les femmes elles-mêmes de leur rôle dans le développement social et économique est un atout et un espoir. Il faut toutefois nourrir cet espoir par des actions concrètes de la part de l’Etat.

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