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LES FORMES CONTEMPORAINES D’ESCLAVGE AU TOGO DÉVOILÉES DANS UN RAPPORT DE L’ONU

Nov 01, 2020 (0) comment

La Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, Mme Urmila Bhoola,  a visité le Togo du 27 au 31 mai 2019, Son successeur M. Tomoya Obokata a présenté le rapport (A/HRC/45/8/Add.1) avec des recommandations.

 La magnitude des formes contemporaines d’esclavage et leurs Manifestations au Togo

Mme Urmila Bhoola a souligné le « caractère répandu du travail des enfants au Togo » notamment dans les secteurs du travail domestique, de l’agriculture, du commerce, de la construction et de la vente sur les marchés. L’experte sud-africaine de l’ONU a souligné que le Togo ne dispose pas de statistiques actualisées sur la problématique. L’UNICEF a indiqué toutefois que, par exemple dans la ville de Tsévié, 368 filles et 467 garçons ont travaillé dans des carrières de gravier entre janvier et novembre 2019.

Le rapport a pointé du doigt la servitude domestique des enfants comme une pratique courante au Togo. Ce sont surtout des filles domestiques issues de familles pauvres des régions rurales. Isolés de leur famille, ces enfants sont exposés à l’exploitation, notamment aux atteintes sexuelles et au travail forcé. L’Experte de l’ONU souligne que le dévoiement de la pratique du confiage conduit, dans certains cas, à la traite d’enfants à l’intérieur et au-delà des frontières aux fins d’exploitation par le travail, souvent dans les secteurs du travail domestique ou agricole, ou aux fins d’exploitation sexuelle. Lorsque les enfants arrivent à destination, ils sont souvent contraints de travailler pendant de longues heures, privés de sommeil et de nourriture, et sont parfois exploités sexuellement. Les filles sont principalement exploitées dans le secteur du travail domestique, tandis que les garçons sont affectés aux activités liées à la vulcanisation, ou à la vente d’arachides et d’eau, entre autres tâches

A retenu également l’attention de la Rapporteuse, l’emploi des enfants pour des travaux dangereux dans le commerce, où des enfants travaillent comme porteurs ou vendeurs sur les marchés, dans le bâtiment et la menuiserie. Pour l’ONU, l’impunité des personnes qui soumettent les enfants à des travaux dangereux et à l’exploitation, par exemple, est l’une des causes premières du travail des enfants, au même titre que la pauvreté.

Le rapport a relevé également que le mariage forcé continue d’être pratiqué surtout au Nord du Togo, malgré son interdiction par le Code de l’enfant et que le taux de femmes mariées avant l’âge de 18 ans reste élevé à 21.8%. En janvier 2018, il a été rapporté que 600 000 femmes et filles avaient été mariées alors qu’elles étaient enfant. Il poursuit en notant que les facteurs à l’origine du mariage d’enfants sont l’inégalité des sexes, une conception sexiste du rôle des hommes et des femmes dans la société dans le domaine du travail, et l’existence des structures traditionnelles de prise de décisions préjudiciables aux droits des femmes et des filles. Le rapport note que malgré les sensibilisations, le travail des enfants, le mariage d’enfants et le mariage servile persistent car ils sont acceptés par la société et du fait de traditions culturelles et religieuses.

L’ONU a noté qu’au moins 5,5% des filles âgées de 9 à 18 ans ont été victimes de violences sexuelles et que les parents recourent souvent au règlement à l’amiable ce qui est en contradiction avec les recommandations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU.

En présentant le rapport, le nouveau Rapporteur spécial, Tomoya Obokata a souligné que le placement d’enfants dans des «couvents vaudous » est une pratique néfaste car elle expose les enfants à l’exploitation. Ces enfants placés sont souvent considérés comme des « sorciers ». C’est très souvent un prétexte pour expulser des enfants indésirables de leurs familles et de leurs communautés. Accusés par leur famille et placés auprès d’un prêtre vaudou pour l’exorciser, l’enfant est stigmatisé et ostracisé dans la communauté pour ce séjour au convent. Il sera ensuite difficile pour lui de réintégrer la communauté, d’aller à l’école sans subir des railleries ou trouver un emploi. Malheureusement, le gouvernement togolais ne dispose pas de données actualisées sur le phénomène. En 2016, 157 «enfants sorciers» dont 56 filles et 101 garçons étaient recensés. Ces enfants ne bénéficient pas d’activités concrètes visant à les repérer, réadapter et réintégrer.

L’inégalité d’accès à l’éducation par les filles explique en partie les mariages précoces car 26,3 % des femmes adultes ont atteint au moins un niveau d’éducation secondaire, contre 52,5 % des hommes adultes. Si on y ajoute la pauvreté, les familles peuvent percevoir le mariage de leur fille à un âge jeune comme la meilleure solution de rechange pour les filles sans éducation, et comme un moyen d’alléger les dépenses de la famille.

 Les réponses insuffisantes apportées par l’Etat togolais

L’Etat togolais a apporté des réponses législatives et institutionnelles. Toutefois, le rapport a relevé que la permanence téléphonique gratuite Allo 1011, qui est un système d’alerte, de signalement et de fourniture d’informations sur des situations de vulnérabilité d’enfants et de violence à l’égard d’enfants n’est opérationnelle qu’à Lomé. Ainsi, les enfants des régions rurales reculées pouvaient éprouver des difficultés à accéder à la permanence téléphonique et il importait d’investir davantage pour la rendre accessible. Le rapport a également souligné que les tribunaux pour mineurs au Togo ne sont toujours pas en mesure de rendre justice aux enfants efficacement.

Quant aux pratiques sociales néfastes, le rapport a noté avec satisfaction la Déclaration de Notsé signé en 2013 avec les chefs traditionnels et religieux et des prêtres des communautés chrétiennes et musulmanes mais a souligné que ses stipulations n’étant pas transposée dans le droit interne, sa mise en œuvre est limitée car elle n’était pas juridiquement contraignante. Quant à la Déclaration de Togblekope de 2016 portant sur le mariage d’enfants, elle jouit d’une faible adhésion des chefs religieux car le processus n’a pas bénéficié de la participation et d’un engagement véritables de toutes les principales parties prenantes.

Malgré la suppression des frais de scolarité dans le primaire, 50% des enfants ne terminent pas le primaire et le collège. Seuls 28,3% des filles contre 51.1% des garçons achèvent l’enseignement de base. Les causes sont notamment liées aux coûts indirects, au manque d’infrastructures et de matériel pédagogique adéquats, a souligné le rapport.

En outre, les efforts du gouvernement sur l’enregistrement des naissances n’ont pu empêcher 40.9% des enfants de moins de 5 ans d’être privés d’acte de naissance. Une telle situation, a insisté le rapport, expose les enfants qui en sont dépourvus au risque d’être victimes du travail des enfants, du mariage d’enfants et d’autres formes d’exploitation car ils sont généralement plus vulnérables aux violations des droits de l’homme et voient l’exercice de leurs droits restreint de manière disproportionnée.

 Recommandations

Le rapport s’est s’achevé sur une série de recommandations disponibles ici (voir la fin du rapport. La partie en gras).

Représentants du Togo

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