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LUTTE CONTRE LES GROSSESSES PRÉCOCES EN MILIEU SCOLAIRE

Avr 06, 2018 (0) comment

L’association Dimension Sociale Togo (DST), membre de CICREDHO, a organisé dans le cadre de la semaine culturelle au sein du Groupe scolaire « Le Savoir » à Bè Kpota, un quartier de Lomé, une activité de sensibilisation des élèves et des enseignants sur les grossesses précoces en milieu scolaire.

L’AMPLEUR DU PROBLEME

En juin 2015, le Ministère de l’action sociale, de la promotion de la femme et de l’alphabétisation a estimé que 25,2% des filles se marient avant 18 ans et que 8,1% des femmes âgées, cette année-là, de 20 à 49 ans se sont mariées avant 15 ans. Ces statistiques confirment les données issues de l’Enquête Démographique et de Santé au Togo (EDST-III) 2013-2014, qui avait souligné que la proportion des personnes qui étaient déjà en union avant d’atteindre 18 ans exacts est de 32 % chez les femmes de 25-49 ans et que 9 % des femmes de 25-49 ans étaient déjà en union avant d’atteindre l’âge de 15 ans. Des milliers de filles sont victimes de mariages précoces chaque année.

LES CAUSES

Lors de l’activité de sensibilisation, les interventions interactives ont ciblé les causes du mal qui gangrène la fille togolaise à l’école. Ces causes sont notamment :

  • le manque d’information et d’éducation sexuelle ;
  • les mariages forcés et précoces ; 
  • les violences et abus sexuels ;
  • les tabous, les stéréotypes et certaines pratiques ou conceptions religieuses et coutumières ;
  • l’accès limité à la contraception ;
  • l’absence d’une politique stratégique de la famille.

DST a relevé l’âge précoce du premier rapport sexuel comme source de préoccupations et l’ampleur des mariages précoces ou forcées. L’article 267 du Code togolais des personnes et de la famille fixe pourtant à 18 ans l’âge minimum pour le mariage pour les garçons et les filles.

Léonard Attoh, vice-président de DST, a insisté qu’il est inamissible que les filles gâchent leur vie à cause d’une grossesse précoce ou indésirée et qu’elles devraient faire attention. Le Directeur de « Le Savoir » s’est réjoui du choix porté sur son établissement en précisant que des conseils de ce genre sont donnés aux élèves à travers les cours d’éducation civique et morale.

En décembre 2017, DST a lancé un concours de sketch scolaire autour du thème de la grossesse précoce en milieu scolaire. Le dénouement de ce concours est programmé prochainement afin de limiter les conséquences du phénomène.

LES CONSEQUENCES

DST a souligné que les grossesses précoces ont un impact destructeur sur la jeune fille :

  • La déscolarisation ;
  • L’analphabétisme ;
  • L’incapacité à participer aux décisions la concerne ;
  • La féminisation de la pauvreté ;
  • La fragilisation de la santé ;
  • La privation de la société d’atouts considérables pour son développement.

En 2015, l’UNICEF a estimé qu’au Togo, le taux d’achèvement de l’école primaire pour filles et garçons est de 74 %. Devant les élèves et les professeurs, DST a souligné que beaucoup de filles élèves ont vu leur cursus s’arrêter ou perturber à cause d’une grossesse indésirée. Contraintes d’abandonner l’école, ces jeunes filles sont également discriminées, ce qui provoque leur isolement. La plupart ne reprennent plus leur scolarité après avoir donné naissance au bébé ; même si elles souhaitent reprendre leurs études, elles ne sont ni incitées par l’institution scolaire ni encouragées par les stéréotypes sociétaux.

Les articles 395 et 396 du Code de l’enfant punissent le harcèlement et l’abus sexuels. En outre, la loi du 16 mai 1984 relative à la protection des filles et des garçons régulièrement inscrits dans un établissement d’enseignement ou dans un centre de formation professionnelle, prohibe et punit les relations sexuelles continues entre les enseignants et les élèves. Certains enseignants usent de leur autorité et de la naïveté des filles pour abuser d’elles.

Le problème réside essentiellement, malgré les campagnes de sensibilisation, dans :

  • L’insuffisance d’actions décentralisées soutenues par des entités décentralisées;
  • la faible affectation des ressources pour la mise en œuvre des lois et programmes ;
  • l’insuffisance du suivi-évaluation des actions ;
  • la faible coordination entre les services de l’Etat ayant la santé et la protection des droits de l’enfant dans leurs attributions au niveau des collectivités locales et au niveau national.

 Pour aller plus loin :

En 2012, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU (CRC) s’était dit « inquiet au sujet du taux élevé de grossesses chez les adolescentes liées aux mariages précoces » (CRC/C/TGO/CO/3-4, § 55). En outre, le même Comité s’est  dit « très préoccupé par l’ampleur des violences sexuelles commises par des enseignants de sexe masculin sur des écoliers dans l’État partie » (CRC/C/OPSC/TGO/CO/1, § 20 b). Déjà en 2005, le Comité avait exprimé ses préoccupations par rapport au « grand nombre de grossesses précoces » et par rapport au fait que « cette question demeure un problème pour les adolescents et qu’il n’existe pas de système organisé de conseils et de services en matière de santé de la procréation, ni d’éducation des jeunes à propos des infections sexuellement transmissibles » (CRC/C/15/Add.255, § 54).

Quant au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), il avait dit en 2012 qu’elle s’inquiétait « du taux de grossesse d’adolescentes élevé et de l’insuffisance de l’information dispensée aux femmes en ce qui concerne la santé sexuelle et reproductive et les droits en la matière et la planification familiale » (CEDAW/C/TGO/CO/6-7, § 34). Le Comité avait recommandé au Togo de « s’attaquer au problème des grossesses précoces et entreprendre une vaste action éducative axée sur la santé sexuelle et génésique et les droits sexuels et les droits en matière de reproduction, notamment en lançant des campagnes de sensibilisation à grande échelle destinées au grand public et en instaurant, à tous les degrés de l’enseignement, des cours adaptés à l’âge des élèves sur la santé sexuelle et génésique et les droits sexuels et les droits en matière de reproduction » (CEDAW/C/TGO/CO/6-7, § 35).

Le Togo a pourtant un dispositif juridique et institutionnel en la matière:

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